Les récentes tribulations des cloches de Milon-la-Chapelle
Les deux cloches de Milon ont connu récemment beaucoup d’émotions. Elles se trouvaient toutes deux dans l’Eglise de l'Assomption de la Très Sainte Vierge lorsqu’il fallut les déposer en 2009 afin d’être restaurées. A cette occasion, elles ont été examinées de près par Régis Singer, expert campanaire pour le ministère de la Culture. Il en est résulté une pluie de « décorations » : d’abord une inscription sur proposition de la Commission départementale des Objets mobiliers en juin 2010 présidée par Mme Gautier-Desvaux, Conservateur général du Patrimoine, puis un arrêté de classement au titre des monuments historiques en septembre 2011. Bernard Boutouyrie note dans la Gazette de Milon de l’automne 2009, qu’il est bien rare de trouver ensemble deux cloches d’Ancien régime encore en place, il était de règle de ne laisser qu’une seule cloche par clocher lorsqu’on eût besoin de bronze pour fabriquer des canons pendant les guerres révolutionnaires.
La grande cloche de Milon
Son fondeur méconnu s’appelle Limaux : en tonalité de Sol-octave 4, elle pèse 70 kg, possède un diamètre de 50cm et a été fondue en 1762. Fêlée et usée à 70% aux points de frappe - le métal se creuse et s’écrouit et la cloche perd de sa résonance - elle a été réparée et « rechargée » dans un atelier strasbourgeois.
Inscription :
LAN 1762 IAY ETE BENITTE PAR Mre C HANRIAU FAISANT LES FONCTIONS CURIALES & NOMMEE MARI ANNE PAR DAME MARIE ANNE LE ROY EPOVSE DE Mre NICOLAS PIERRE DE BESSEL CHEVALI SGR DE LA CHAPPELLE MILON
Placés dans trois bandeaux superposés, les caractères à empattement sont en capitales romaines. Certaines lettres sont mal posées et non ébarbées.
La petite cloche de Milon
Inscription :
IE FVS FAICTE POVR SERVIR LA CHAPELLE DES VAVLX LAN 1613
S’agit-il d’une ancienne cloche de la chapelle des Vaux-de-Cernay ? En tonalité de La-Octave 4, d’un poids de 40 kg, elle a fait l’objet de petites réparations : suspension du battant, axe, joug…
L’ancêtre : « Gilette », cloche de l’église Saint-Gilles de Vieille-Église-en-Yvelines
La doyenne du Parc date de 1578 - on trouve rarement cloche plus ancienne en France - et loge dans l’église paroissiale de Vieille-Eglise-en-Yvelines. Fabriquée en bronze, elle comporte également un battant et des fermes en fer forgé et un joug en bois. Elle est classée monument historique depuis 1923.
On ne sait rien de son fondeur, mais elle comporte une inscription :
L’AN MIL VC LXXVIII NOUS FULES FAITES PAR LES HABITANTS DE VIEIL EGLISE ET NOMMEE GILETTE. MR MARTIN PORCHE VICAIRE-BCDEGHI
La très gracieuse cloche de Galluis
Décorée de toute part, taguée de longues inscriptions, c’est une cloche bien bavarde que celle de Galluis. Et pourtant son mystère demeure… Cette cloche dont on sait peu de choses sur le fondeur, Jannet, a été baptisée en 1613. Plusieurs noms y figurent : celui d’une damoiselle (probablement la marraine) et ceux de messire, chevalier, écuyer, prêtre curé et prêtre vicaire sans que le nom du parrain apparaisse clairement.
La robe de la cloche surtout possède un décor très riche étudié par Régis Singer : plusieurs effigies très détaillées, une Pieta, une figure de Saint-Martin, une Vierge à l’Enfant, une Crucifixion et trois médaillons représentant quatre personnages féminins délicatement ornés. Ces effigies, médaillons et estampilles sont séparés par huit motifs identiques : une fleur de lys surmontée d’une couronne – motifs burinés à la Révolution -, placés au-dessus d’un croissant de lune dont les deux pointes sont tournées vers le haut.
Après un tel examen, la cloche a bien sûr été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 19 mars 2012.
Des cloches patriotiques
Les cloches ou du moins les clochettes paraissent avoir été en usage en Chine et en Inde dès les temps les plus reculés et dans la Rome antique. Les canons des anciens conciles interdisaient les usages profanes des cloches. Toutefois, il a toujours été admis qu’on pouvait s’en servir pour annoncer les incendies, les invasions ou les grandes catastrophes. La loi de 1884 a prévu que les préfets et les maires ont le droit d’en requérir la sonnerie pour les cas de nécessité publique, le passage du Président de la République, la veille et le jour de la Fête nationale et des fêtes locales. Un préfet a ainsi le droit de sonner les cloches au président !…
Le baptême d’une cloche
Très tôt, la tradition considère la cloche comme une personne : dotée d’une « couronne » (les anses par lesquels on la suspend) d’un « cerveau » (la partie haute de la cloche) et d’une « robe » (qui va en s'évasant jusqu'au bord inférieur), chacune porte un nom attribué au cours de la bénédiction des cloches (ou baptême). La cérémonie réunit outre l’évêque, un parrain et une marraine. La cloche est revêtue d’une aube blanche, environnée de fleurs, l’évêque bénit l’eau et le sel destinés à la cloche qu’il va ensuite laver... Vient l’onction par le saint chrême, puis la fumée de l’encensoir emplit la cloche. L’évêque la bénit une nouvelle fois la fait sonner avec un maillet, invite le parrain, la marraine et le fondeur à faire de même. L'acte de bénédiction est souvent consigné sur le même registre paroissial que les actes de baptême des personnes.
Article d'Anne Le Lagadec pour l'Echo du Parc n°59 (septembre 2012)