La mairie-école est l’édifice symbole de la citoyenneté dans nos territoires ruraux : c’est le lieu où elle se construit et où elle s’exerce. Entre 1840 et 1914, toutes les communes du Parc naturel se dotent de cet édifice public. Elément du paysage et objet familier du quotidien, ce bâtiment témoigne d'un processus culturel massif qui a structuré et structure encore nos villages : la construction républicaine à travers la démocratie locale et la scolarisation.
Tout commence à la Révolution, lorsque les paroisses jusque-là guidées par les curés avec l’appui des seigneurs sont transformées en communes dirigées par un maire. L’enseignement est alors encore dispensé par le clergé ou au domicile de l’instituteur. Il faut attendre la loi Guizot de 1833 pour que les communes soient obligées d’entretenir une école de garçons (1850 pour les filles). La loi de 1837 leur impose la même chose pour leur « maison commune » lorsqu’elles en ont une. Ainsi naissent les premières mairies-écoles : de nombreuses communes s’équipent d’un local municipal lors d’une création d’école.
La vague des années 1880-1910
En 1881-1882, les lois Ferry rendent l’enseignement primaire gratuit et obligatoire et imposent aux communes de se doter d’une école publique laïque. La même année est promulguée la grande loi municipale qui rend obligatoire la construction ou la location d’une maison spécialement affectée à la mairie. Avec le boom des constructions d’écoles, les communes rurales font d’une pierre deux coups en bâtissant un édifice municipal à la fois mairie et école. La Troisième République équipe ainsi tous les villages qui ne l'étaient pas encore.
L'adaptation aux besoins
Rapidement, la croissance démographique à la fin du 19e siècle et l’augmentation sensible du nombre d’administrés et d’enfants scolarisés qui s’en suit, notamment suite aux lois Ferry, nécessitent l'agrandissement des mairies-écoles. Parfois, on se contente d’ajouter une classe attenante ainsi que des éléments de confort tels qu’un préau couvert, une citerne, etc. Mais le plus souvent, la commune construit de façon détachée une nouvelle école à un autre endroit du village. Bien souvent, l’ancien édifice est alors entièrement affecté à la mairie et au logement de l’instituteur.
L’ARCHITECTURE DES MAIRIES-ECOLES
L’implantation : créer une nouvelle centralité
Les mairies-écoles sont construites en cœur de village. Au 19e siècle, l’enjeu est la reconnaissance publique du pouvoir municipal démocratique et laïque face à l’institution paroissiale. Ainsi, la mairie-école dispute à l’église le monopole symbolique du village en se plaçant en pendant de celle-ci (ex. Méré) ou au contraire complètement détachée, créant ainsi un nouveau pôle de vie communale (ex. Auffargis). Afin de mettre en valeur l’édifice, ses abords sont dégagés et monumentalisés par des aménagements qui permettent de l’isoler et de le magnifier (place, jardin public, allée de tilleuls).
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Les matériaux
Les mairies-écoles du Parc naturel sont construites en pierre locale de meulière revêtue d’un enduit couvrant ou bien rocaillé (incrusté de petites pierres), et couvertes d’un toit en ardoise. La brique est parfois utilisée mais exclusivement en ornement (ex. Saint-Rémy-lès-Chevreuse). Les décors demeurent discrets sur ces édifices à l’architecture simple. S’ils ne disparaissent pas sous les enduits récents, on trouve encore les inscriptions « mairie / école » ainsi que des éléments en relief réalisés en plâtre, parfois en duo avec la brique (ex. Raizeux).
Les architectes
Pour construire vite et à une échelle nationale, on met au point des modèles de mairies-écoles diffusés dans des recueils d’architecture, permettant de se passer d’un architecte. Pourtant, en Vallée de Chevreuse, les municipalités s’adressent souvent aux architectes locaux. Certains d’entre eux réalisent plusieurs mairies-écoles : Néglet, arch. de l’arrondissement de Rambouillet (Bonnelles, Les Essarts) ; Albert Petit, arch. du département de Seine-et-Oise et de Versailles (Magny, Saint-Forget) ; Baurienne, arch. de Dourdan (Bullion, Courson, Hermeray, Janvry, Longvilliers, Saint-Jean) ; Hippolyte Blondel, arch. du département de Seine-et-Oise (Châteaufort, Jouars , La Celle-les-B.) ; Charles Brouty, arch. de Chevreuse (Cernay, Chevreuse, Saint-Lambert, Saint-Rémy-les-Ch.).
Les types les plus fréquents
La composition des mairies et la réglementation des écoles prennent corps dans les plans types. Impulsés par l’Etat, ils expliquent la relative uniformité des constructions et se traduisent sur le territoire du Parc naturel par trois typologies principales de mairies-écoles :
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La mairie-école en pavillon (1) : plan carré ou rectangulaire, répartition symétrique des pièces autour d’un vestibule et d’un escalier central, école en rez-de-chaussée, chambre et salle de mairie à l’étage (ex. Boullay, Clairefontaine, La Celle, le Mesnil, Senlisse).
La mairie-école à composition ternaire (3) : corps central flanqué de deux ailes basses, la mairie au centre, le logement de l’instituteur à l’étage, les écoles de filles et de garçons dans les deux ailes symétriques (ex. Saint-Rémy, Les Bréviaires).
Cependant, un certain nombre de communes sortent de ces schémas et adoptent un plan plus personnalisé ou adapté au terrain.
La symbolique républicaine
Bien que sobre, la forme architecturale confère à la mairie-école une certaine monumentalité. Par sa symétrie et ses volumes symbolisant une trinité non religieuse mais républicaine, on cherche à donner à la mairie-école une représentation parfaite qui se réfère à l’idéal démocratique. L’édifice se distingue par son caractère bourgeois avec son perron, son éventuel fronton, les décors de plâtre ou de brique ainsi que son toit à quatre pentes en ardoise. Enfin, l’horloge et le clocheton, « poitrine laïque » qui battait et sonnait les heures, illustrent la place du pouvoir municipal, nouvel organisateur de la vie publique au 19e siècle et repère identitaire discret mais bien présent dans le paysage architectural des bourgs ruraux.
Les cas particuliers
Certaines communes ont une mairie et une école bien distinctes. Chevreuse, Dampierre et Saint-Lambert sont pourvues très tôt d’une école financées grâce à la générosité de mécènes (ex. duc de Luynes). Dans ces trois communes, on associe une autre fonction à la mairie : un tribunal de paix à Chevreuse, un bureau de poste à Dampierre et le logement du garde champêtre à Saint-Lambert. D’autres communes ont préféré la reconversion à la construction, comme à Rochefort où elle prend place dans l'ancien bailliage et à Gambais où elle se trouve dans l’ancien grenier à sel. A Maincourt, commune indépendante jusqu’à son rattachement à Dampierre en 1974, on construit la mairie à l’avant de l’église constituant un porche administratif par lequel on accède au lieu de culte !
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Aujourd'hui, ces bâtiments gardent fréquemment leur vocation de mairie ou, plus rarement, celle d'école (ex. Châteaufort, La Celle-les-B., Magny, Méré, Saint-Rémy-les-Ch.). Janvry, Poigny, Raizeux, Saint-Léger et Vieille-Eglise sont les seules communes du Parc à avoir maintenu cette double fonction au sein de l’édifice d'origine.
Les anciennes mairies-écoles témoignent de l’effort long de presqu’un siècle pour fabriquer de la citoyenneté et demeurent dans le paysage et l’identité des communes rurales le marqueur d’une unification administrative, politique et culturelle de la France du 19e siècle.