Mis à jour le 1 septembre 2022
A / A / A

Des moutons dans les cultures de céréales

Lâcher des moutons dans un champ de céréales peut sembler aussi risqué que d'inviter un renard dans un poulailler, et pourtant... Depuis l'hiver dernier, les moutons de Philippe Lequeré sont emmenés pour pâturer dans les céréales de Thomas Lafouasse, pour le plus grand bonheur des cultures, des animaux et des deux agriculteurs.

« J’avais des problèmes techniques, des plantes spontanées qui poussaient dans les germes de la luzerne, commence d’emblée Thomas Lafouasse, céréalier bio et maraîcher sur 330 hectares à Pecqueuse. Étant pas mal informé sur l’agroforesterie, cette technique qui consiste à  associer cultures et arbres voire élevage, je me suis dit : allons-y, tentons, confions le travail de désherbage à des moutons ! » Thomas contacte alors Philippe, éleveur à la ferme de la Noue à La Celle-les-Bordes et lui propose le marché suivant : plusieurs mois de nourriture à l’œil pour ses bêtes en échange d’un pâturage tournant. Banco, l’aventure démarre le 12 novembre 2018.

 

Image
moutons la noue

« Au début, je suis venu avec 30 moutons, explique Philippe qui a organisé une transhumance à pied un peu folklorique pour parcourir les 8 km qui séparent les deux exploitations. Ils étaient perdus dans cette grande plaine. Chez moi ils ont l’habitude des collines et des forêts. Il a fallu mettre du monde pour qu’ils se sentent en sécurité. » Ainsi, de 30, le troupeau passe à 60 puis à 140. « Pour nous, l’objectif était de rompre le cycle des vers intestinaux du mouton, » raconte l’éleveur. Pour en finir avec le parasite, la meilleure façon quand on est en bio est souvent de lever le camp et d’emmener ses bêtes paître ailleurs. Les champs de Thomas feront de formidables sas de décontamination. « Mon idée était de gérer le salissement de la luzerne en faisant brouter les mauvaises herbes par les moutons même si dans les faits, ça ne s’est pas vraiment passé comme je l’avais imaginé, » complète Thomas. En effet, les moutons ont préféré les jeunes pousses de luzerne au ray-grass. « On ne peut pas leur en vouloir, ils aiment le jeune et le frais, ils ne sont pas idiots. Avec l'expérience, l'an prochain on commencera plus tôt. »

Heureusement le désherbage n’était pas la seule mission confiée aux moutons, ils devaient aussi détruire les intercultures, ces mélanges de légumineuses qui enrichissent le sol, entre une culture de blé et de maïs par exemple. Là, l’expérience est plus que concluante, les bêtes se sont allègrement gavées et ont impeccablement nettoyé les champs par tous les temps. « Nos brebis sont des black faces, elles sont habituées au froid et à la pluie, rappelle Philippe. Pour elles, la vallée de Chevreuse, c’est les vacances ! »

Preuve que le lieu de villégiature était de bonne qualité, pendant ces 5 mois, aucune bête n’est tombée malade et toutes ont pris pas mal de poids.

Image
mouton dans les céréales
Innover, apprendre et ajuster

« J’avais aussi envie de faire un essai sur les blés, ajoute Thomas qui ne manque pas une occasion d’expérimenter et d’innover. L’idée était de confier aux moutons le rôle de racourcisseur pour éviter que les blés ne soient trop hauts et versent au moindre coup de vent. » Cette figure agronomique est plutôt technique, les animaux doivent pâturer mais pas trop. Pendant plusieurs semaines, les deux hommes déplacent les parcs des moutons toutes les 7 ou 24 heures. « C’était la partie la plus compliquée, témoigne Philippe, parce qu’il fallait respecter une certaine durée, parce qu’il fallait réagir vite. On était dans l’expérimentation, on a dû plusieurs fois s’ajuster. Mais franchement, les résultats semblent plutôt concluants.» « On aura le verdict au moment de la moisson, » ajoute Thomas qui semble également confiant.

Pour mettre en place cet échange de bons procédés, les deux hommes n’ont rien signé, rien contractualisé, juste engagé leur parole et remis au goût du jour une pratique agricole fréquente avant guerre : la polyculture-élevage très prisée en agroécologie. En deux mots, les animaux sont alimentés par les cultures et prairies, lesquelles sont fertilisées en retour par leurs déjections. « Mon idée est de parvenir sur ma ferme à une agriculture bio qui préserve les sols et qui fait intervenir des animaux. Je n’ai aucune envie de devenir éleveur mais j’aimerais bien pouvoir installer des jeunes bergers sur le territoire. Les prochaines années, il me faudrait 800 moutons sur l’exploitation. » Pour l’heure, Philippe est d’ores et déjà sur les rangs.

La ferme Lafouasse pratique l'agriculture biologique. Pour éliminer les plantes spontanées dans ses cultures, elle doit donc trouver des alternatives aux phytosanitaires.
Sommaire
Fermer
Sommaire