Village sans pesticides
Des espaces publics sans pesticides, c'est plus de vert, plus de fleurs, l'air et le sol plus sain.
Des espaces publics sans pesticides, c'est plus de vert, plus de fleurs, l'air et le sol plus sain.
Le concours Villes et Villages fleuris ne récompense pas simplement un fleurissement esthétique. Il s’inscrit dans une démarche à long terme et une prise en compte environnementale. Vivaces et arbustes plutôt que plantes annuelles, diminution de l’arrosage, paillage, autant de pratiques durables qui font partie des critères de notation.
« Dans le cadre de notre label, nous menons des actions de sensibilisation à la flore et à la faune sauvages, en faveur de la préservation et de la diversité des milieux, zones humides, prairies fleuries, etc » détaille Thibaut Guyon, chargé de projet d’écologie urbaine aux Villes et Villages Fleuris (VVF). « Par exemple, chaque année une thématique est à l’honneur avec un trophée à la clé : fleurir les pieds de murs, embellir sentes et chemins, accueillir la nature dans les rues, inviter la biodiversité dans les espaces publics, renaturer les cimetières … ».
Le savoir-faire des communes en matière de gestion alternative de l’eau ou en faveur des ressources naturelles, de limitation et valorisation des déchets verts, de mise en valeur du patrimoine bâti, autant de compétences évaluées par le label. « La démarche Villes et Villages fleuris incite les communes à entretenir des espaces plus sauvages, moins domestiqués, fauchage raisonné par exemple », explique Marion Doubre, chargée de mission Paysages au PNR « ce qui rejoint les préconisations du Parc». A la demande des communes la paysagiste et les botanistes du Parc peuvent réaliser des études puis proposer des solutions d’aménagement paysager, des choix d’espèces locales et écologiques, et conseillent sur les techniques et les outils les plus fonctionnels.
En outre, le label prend en compte la mise en place d’une communication régulière auprès des habitants, l’organisation d’événements à vocation sociale et pédagogique, fête des plantes, ateliers jardinage, animations auprès des scolaires, création de jardins familiaux.
C’est la Région Ile-de-France qui décerne les récompenses : de une à 5 fleurs de VVF. De son côté, le département des Yvelines attribue aux communes de 1 à 5 pétales, une sorte de « prépa » avant d’accéder à la 1ère fleur. Ainsi, la commune de La Queue-lez-Yvelines a gagné 4 pétales en 2015. « Progressivement, nous avons remplacé les plantes annuelles par des vivaces, en choisissant des espèces au fleurissement réparti dans le temps » raconte Jean-Michel Allirand, adjoint . Prairies fleuries ici et là, paillage autour de l’église, citernes enterrées pour récupérer l’eau de pluie pour l’arrosage, toutes les idées sont bonnes en faveur du développement durable. « La récompense obtenue est une vraie reconnaissance pour le travail de nos agents techniques » souligne J-M. Allirand.
A Magny-les-Hameaux, depuis le passage au Zéro Phyto en 2009, on pratique les prairies fleuries, le fauchage tardif, mais aussi le broyage des sapins de Noël et le don de fleurs aux habitants ; Résultat : une première fleur en 2016. A ce jour, 7 communes du Parc sont labellisées VVF, Raizeux, Magny-les-Hameaux, Auffargis, les Essarts, Rambouillet, Chevreuse et Saint-Rémy-lès-Chevreuse.
Lorsque Eugène Dauher, agent technique de Raizeux, vous emmène à travers les rues de son village, il arpente les allées de son jardin. « Il y a quelques années, la commune a décidé de passer en Zéro Phyto, alors on s’est mis à la page » raconte-t-il tout sourire. Mais l’aventure ne s’est pas arrêtée là, puisque dans la foulée, la commune s’est engagée dans la démarche Villes et Villages Fleuris. Le centre bourg est là pour en témoigner avec son étang bucolique. Alentours, un vaste espace champêtre au bord duquel se côtoient avec bonheur mairie, école, micro-crèche, bibliothèque et salle polyvalente. Ici, un tas de bois pour attirer insectes, oiseaux et hérissons, là une friche pour les familles de canards et plus loin, un tas de terreau déposé par Eugène après les tontes « à destination des familles pour leur jardin et même des enfants, qui viennent y chercher des vers pour la pêche ».
3 pétales en 2016, puis 4 en 2017 et surtout le Prix du Jardinier pour Eugène Dauher, récompensé pour son dynamisme, son enthousiasme et son travail remarquable. Au fil des sentes et chemins, aux bordures joliment végétalisés, le jardinier note ici un massif à retailler, là les hautes herbes qu’il faudra bientôt débroussailler. « Même si je suis seul à entretenir les espaces verts, je ne travaille qu’à la binette et à la cisaille. C’est une organisation à trouver».
Le cimetière n’est pas en reste. Les allées sablonneuses ont été semées d’un tapis vert qui couvre et ne pousse pas trop vite. « Quand c’est possible, je laisse des petits coins en herbe, c’est joli, on revoit des fleurs sauvages qui avaient disparu, et des insectes comme les nymphes, les coccinelles, les papillons, les sauterelles et les criquets ». Oh bien sûr, ces changements font des mécontents. « On vient me dire que le cimetière n’est pas bien entretenu. Tant pis, je les laisse dire … ». Eugène quant à lui n’a pas oublié l’odeur toxique des produits utilisés il y a quelques années où l’on pratiquait ce qu’il appelle « la politique de la terre brûlée ». Et de conclure : « Finalement, c’est profitable pour tout le monde, à commencer pour les enfants, non ? ».
L’objectif Zéro Phyto a poussé certaines communes à revoir entièrement l’aménagement de leur cimetière pour optimiser le temps de travail des agents communaux. Les cimetières y ont gagné un nouveau visage, moins minéral, plus verdoyant. « Conjointement à notre participation aux Villes et Villages Fleuris, nous avons décidé de "renaturaliser" le cimetière » explique Jean-Michel Allirand, adjoint à l’environnement de la Queue-lez-Yvelines. Plutôt que de chercher à tout prix à désherber, la commune a enherbé les allées engravillonnées, en préservant un sol suffisamment compact pour le passage d’engins lourds. « Un mélange à base de fétuque ovine, sorte de gazon écologique à croissance lente caractéristique des Causses, et de trèfle pour fixer l’azote ». En complément, plusieurs parcelles ont été semées de prairies fleuries à base de fleurs locales 100% horticoles .
« L’essentiel est de bien communiquer dès le départ auprès des habitants d’autant qu’il faut une année complète pour que cela prenne forme » insiste J-M Allirand. « Il faut tenir le cap » confirme Mélanie Lassus, élue de Grosrouvre. « Pour cela, nous avons eu l’idée d’installer des petites pancartes, dans l’esprit d’un jardin des simples, pour visualiser les plantes à venir ». Il y a 2 ans, cette élue a eu l’idée d’un « jardin-cimetière, une sorte de jardin en mouvement selon l’idée de Gilles Clément, où l’on s’adapte autour de l’existant ». En résumé, laisser s’exprimer ce qui pousse naturellement et remplacer ce qui ne convient pas.
« On en a profité pour mettre en valeur des tombes anciennes constituant un patrimoine à préserver et restaurer un vieux mur transformé en columbarium ».
Et le 19 mai dernier, la commune de Grosrouvre a participé au Printemps des Cimetières, avec 4 visites commentées sur des thématiques différentes.
A Auffargis, on laisse les lichens se développer, en complétant par des retouches d’herbe endémique. A Choisel, le cimetière a été enherbé en 2015, la couche superficielle de gravillons a été enlevée et le sol a été fertilisé par mycorhization. Même les plus pessimistes des habitants ont été surpris par ce tapis verdoyant stable par tous les temps et qui ne nécessite que 3 ou 4 tontes par an. Ailleurs, des plantes vivaces et des tapis de sédum qui offrent un parfait couvre-sol. « On laisse le lierre courir entre les tombes, ce n’est pas un parasite, au contraire c’est un excellent garant de biodiversité » confirme Frédéric Montégut, adjoint responsable des travaux sur Choisel. Ici et là, cette nouvelle forme de gestion confère plus de responsabilité à l’agent technique en charge du cimetière.
« Désormais, il crée son jardin, il observe, fait des choix, conserve telle plante, supprime telle autre » constate Mélanie Lassus.