L'Art du partage (2018)
En 2018, Le Ministère de la Culture a voulu placer « l’art du partage »au cœur de la 35ème édition des Journées du Patrimoine avec pour ambition de permettre aux citoyens de mieux comprendre ce qui les rapproche.
En 2018, Le Ministère de la Culture a voulu placer « l’art du partage »au cœur de la 35ème édition des Journées du Patrimoine avec pour ambition de permettre aux citoyens de mieux comprendre ce qui les rapproche.
L’étymologie même du mot patrimoine évoque cette idée de bien que l’on hérite. Mais dans son acception culturelle, le patrimoine appartient à tous. Il est partagé et constitue un fondement de l’identité d’une communauté, qu’elle soit villageoise, régionale, nationale ou européenne. Cent ans après la fin du premier conflit mondial, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont proclamé 2018 « Année européenne du patrimoine culturel ». Les Journées du Patrimoine sont ainsi l’occasion de souligner les apports culturels qui ont franchi nos frontières, notamment les courants artistiques, intellectuels et plus généralement historiques, qui ont précédé l’Institution et la légitiment encore aujourd’hui.
Au sein du Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, cette thématique du partage s’illustre dans plusieurs domaines. D’une part, de nombreuses personnalités intellectuelles, des arts, des sciences ou de la politique, parfois issues d’autres pays européens, s’y sont installées et ont produit une œuvre marquée par les lieux et par de fécondes rencontres. D’autre part, l’occupation humaine des villages s’est constituée autour d’espaces partagés et de lieux de sociabilité où s’entretiennent les liens d’une communauté. Enfin, le territoire s’est développé grâce au partage raisonné des ressources naturelles particulièrement abondantes.
Nombre de villages du Parc ont connu d’illustres résidents. Certaines de leurs demeures, qui étaient des lieux de rencontre, sont d’ailleurs devenues des musées ou des lieux de mémoire. Historiquement, ce territoire a attiré de grandes familles liées au pouvoir et à la cour de Versailles. Tenir salon, c’est attirer le plus grand nombre de gens en vue et créer une émulation intellectuelle. La qualité des invités témoignait du pouvoir d’attraction de leurs hôtes et de leur influence à travers un rapport de protection-mécénat. Au Mesnil-Saint-Denis, au milieu du 17esiècle, la famille Habert de Montmor constitue en son château un cercle scientifique. Parmi les habitués se trouve le célèbre philosophe et astronome Pierre Gassendi, dont Cyrano de Bergerac, demeurant au château de Mauvières, était le disciple. Au 18e siècle, Emilie de Breteuil, marquise du Châtelet, maîtresse et égérie de Voltaire, recevait au château de Breteuil savants et écrivains, tels que l’astronome Monsieur de Fontenelle.
Au 19ème siècle, le territoire devient une destination de prédilection des artistes. La fratrie des peintres Auguste et Rosa Bonheur avait son atelier à Magny-les-Hameaux, dans l’ancien presbytère. De nombreux talents de l’époque y ont séjourné : Eugène Carrière peint les murs de la salle à manger, Claude Debussy y est de passage, tout comme Camille Corot qui représente à de nombreuses reprises le village voisin de Cernay. Une colonie de peintres paysagistes a également élu résidence dans les Vaux de Cernay, profitant du calme et du cadre naturel exceptionnel, aux portes de Paris. Parmi les hommes et femmes de lettres, Blaise Cendrars écrit « L’Or » dans sa maison du Tremblay-sur-Mauldre, où il reçoit Fernand Léger, Pablo Picasso, Francis Picabia, Le Corbusier et Modigliani. Le Parc ne cesse d’être un territoire de partage intellectuel : récemment encore, l’artiste de music-hall, écrivain et poète Raymond Devos, accueillait en résidence dans sa demeure saint-rémoise les frères Taloche.
Au 20e siècle, des personnalités politiques se mettent elles aussi au vert. Jean Monnet, père fondateur de la Communauté européenne, en est une figure emblématique. Il s’installe dans une chaumière à Bazoches, au plus près de la nature qu’il aime tant et qui l’inspire. Il y conçoit les bases de l’Europe en invitant les grands penseurs du projet européen : Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, Konrad Adenauer, René Pleven et Helmut Schmidt, Willy Brandt et Dwight Eisenhower. Plus de cinquante ans auparavant, à Gif-sur-Yvette, Juliette Adam tenait elle aussi un salon politique qui rassemblait autour d’elle le tout Paris et surtout les patriotes et « revanchards » à la veille de la Grande Guerre.
Les routes historiques sillonnées depuis toujours par les paysans, les pèlerins, les négociants, les princes... sont les premiers espaces partagés. D’anciennes voies gallo-romaines, devenues depuis départementales ou nationales, sont toujours empruntées. Au Tremblay et à Jouars-Pontchartrain, la cité antique de Diodurum se situait au carrefour des routes de Beauvais-Chartres et Lutèce-Dreux. Les gares, espaces communs aux voyageurs, sont emblématiques du rassemblement de populations composites et ponctuent le territoire. Certaines, situées sur l’ancienne ligne Paris-Limours, aujourd’hui transformée en voie verte, ont disparu.
D’autres, comme celles de Méré, de Courcelle et de Gif-sur-Yvette illustrent différents modèles de l’architecture ferroviaire de la fin du 19e siècle. Plus généralement, les places de marchés, comme celle de Chevreuse, et les cours communes sont les espaces partagés par excellence au sein des villages.
Système d’organisation rurale de plusieurs bâtiments mitoyens autour d’un espace libre central, la cour commune regroupe logements, lieux de travail et espaces de stockage investis parles manouvriers agricoles ou les petits artisans. Ce type d’espace est néanmoins rarement conservé aujourd’hui dans sa dimension collective. Par ailleurs, les églises constituent un autre espace de sociabilité avec leurs points de rencontre sous les porches appelés « caquetoires ». Elles sont un point de repère et de rendez-vous au centre du village.
Les halles, disparues, que l’on retrouve aujourd’hui dans la toponymie des places, jouaient aussi ce rôle comme les auberges et les cabarets. Certains de ces lieux existent toujours : le café Léopold à Cernay-la-Ville, l’auberge de la Vallée aux Cerfs à Hermeray, ou encore le cabaret du Lys à Chevreuse dont la tradition d’accueil perdure dans sa nouvelle vocation culturelle.
Enfin, les lavoirs ont été, jusque dans la seconde moitié du 20esiècle, des lieux de rencontre pour les femmes des classes populaires qui venaient y laver leur linge ou celui de ceux qu’elles servaient. Il évoque à la fois un mode de vie rural où l’on partageait toutes les nouvelles du village, et des usages passés liés à l’eau et à l’hygiénisme promu par les autorités au 19esiècle. Les communes se dotent alors toutes de lavoirs après la loi de 1851qui instaure des subventions publiques pour encourager leur construction.
Parmi les ressources essentielles au développement d’un territoire, l’eau en est la principale. Le Parc rassemble un riche patrimoine lié à l’exploitation raisonnée de l’eau. A côté des lavoirs, les rivières étaient ponctuées d’un réseau dense de moulins à eau, souvent à peine espacés de 2km. Les meuniers participaient d’une chaine de solidarité organisée pour laisser au moulin aval la possibilité de travailler lui aussi et de profiter d’un débit suffisant. D’autres équipements qui font aujourd’hui partie du petit patrimoine illustrent le partage de la ressource, tels que les puits et les pompes. La forêt est elle aussi un patrimoine naturel commun. Le massif de Rambouillet, vestige d’une vaste forêt qui allait de Saint-Germain-en-Laye à Fontainebleau en passant par Dreux et Orléans, a permis aux villages de se constituer en offrant matériau et source d’énergie. Le chauffage au bois connaît d’ailleurs actuellement un regain de faveur.
Enfin, de manière beaucoup plus visible, la ressource géologique est l’un des patrimoines les plus partagés. La meulière est une pierre affleurant à la surface des champs, facilement remontée lors des labours. C’est donc un matériau peu cher qui a fortement marqué l’identité architecturale des bâtisses du sud de l’Ile-de-France. De même, le grès a servi dans les constructions locales plus nobles et pour les fondations des maisons paysannes. Mais les carrières d’extraction ont été exploitées pour des besoins bien plus vastes, notamment pour paver Paris. L’exploitation des ressources naturelles a ainsi forgé nos paysages et notre architecture locale, mais également des liens socio-économiques importants, par exemple ceux des communautés ouvrières locales et des réseaux de commerce régionaux. Le partage des connaissances, des lieux et des ressources s’est pratiqué depuis longtemps et continue, par ses lieux de mémoires et par ses vestiges matériels, à rapprocher les citoyens.
De nombreuses animations autour des monuments, villages et paysages sur tout le Parc, à découvrir dans le programme.