DES MONUMENTS POUR LA JEUNESSE
Des familles bienfaitrices
Le territoire du Parc est occupé par de nombreux domaines, propriétés de grandes familles parfois les plus anciennes de France comme les ducs de Luynes. À chaque château, à chaque maison, une personnalité souvent impliquée et reconnue localement. Les témoignages oraux récoltés par le Parc ont montré que les grandes figures du 19ème siècle étaient toujours dans les mémoires et bénéficiaient d’une aura positive par leurs actions envers les populations. Au-delà de leur générosité au quotidien comme les cadeaux faits à Noël aux enfants des employés (les Rothschild aux Vaux-de-Cernay) ou du village (la Duchesse d’Uzès à Bonnelles) ou le don d’un livret de Caisse d’Epargne crédité pour les détenteurs du Certificat d’études (Monsieur Sassin à Forges, famille Rothschild), la préoccupation se portait plutôt vers l’éducation et la prise en charge de la jeunesse en difficulté (orphelins, enfants malades…). Des institutions ont vu le jour dans de grandes demeures, aujourd’hui monuments historiques, réutilisées à d’autres fins que l’habitation ou ont été créées spécialement. Certaines perdurent encore de nos jours.
ÉCOLES ET COMPAGNONNAGE
L’instruction et la formation font partie de la vie des jeunes. Des établissements spécifiques leur sont dédiés.
Les plus anciennes écoles du Parc sont les Petites Écoles de Port-Royal-des-Champs à Magny-les-Hameaux. Fondées dès 1637 par l’abbé de Saint-Cyran, elles se fixent définitivement sur le plateau des Granges en 1651-1652. À partir de nouvelles méthodes rédigées et expérimentées par eux-mêmes (grammaire, méthode de lecture, etc…), ce que l’on appellerait aujourd’hui les sciences de l’éducation, les « Messieurs de Port-Royal », dispensent un enseignement original, selon une approche ludique : enseignement révolutionnaire en français, alors que tous les collèges de l’époque n’utilisent que le latin ; abolition du châtiment corporel ; constitution de petits groupes de travail de cinq ou six élèves autour d’un précepteur ; remplacement de la plume d’oie par la plume métallique.
Victime des querelles jansénistes et de la méfiance des jésuites face à une pédagogie rivale, les Écoles ferment par ordre du roi en 1660. Leur renommée vient aussi bien de l’excellence des maîtres (le grammairien Claude Lancelot, l’humaniste Pierre Nicole, Antoine Arnauld) que de l’éminence des élèves, dont le plus célèbre est Jean Racine, qui séjourne à Port-Royal vers 1655-1656.
Au 19e siècle, chaque village se dote progressivement d’une école, bien souvent grâce à l’aide du châtelain local. Ainsi, Madame Debains finance l’ouverture d’une école gratuite pour filles, en 1865, à Clairefontaine. En 1827, le Duc de Chevreuse et sa soeur font don à une congrégation de soeurs d’une maison et d’une rente pour assurer l’instruction gratuite des jeunes filles de Dampierre-en-Yvelines. Même après les lois Ferry et l’introduction d’une aide d’État pour la construction des écoles publiques, les bienfaiteurs continuent à exercer leur générosité, notamment la famille Rothschild. En 1887, elle fait don de 7 000 francs à Cernay-la-ville pour construire l’école de filles et fait bâtir, en 1899, l’école d’Auffargis à ses frais. À Saint-Jean-de-Beauregard, la mairie-école est érigée grâce aux dons du Comte de Caraman, propriétaire du château depuis 1878. Mademoiselle Elisabeth de Saint-Vincent fait construire l’école de Forges-Les-Bains et prend en charge le traitement des soeurs qui dispensent l’enseignement.
Le Parc est riche aussi d’une Maison des Compagnons de France installée à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. La Fondation de Coubertin est née de la rencontre, en 1950, entre Yvonne de Coubertin, nièce de Pierre de Coubertin, héritière du domaine, et Jean Bernard, fils du sculpteur Joseph Bernard et restaurateur du Compagnonnage du Devoir du Tour de France. La Fondation repose sur la volonté d’unir les milieux manuels, intellectuels et artistiques. Installée à côté du château, datant de 1680, la Fondation comporte quatre ateliers : menuiserie et ébénisterie, métallerie et ferronnerie, taille de pierre ainsi que la fonderie. Encore aujourd’hui, chaque année, elle reçoit une trentaine d’élèves boursiers français et étrangers afin de les former aux métiers manuels. Ils sont encadrés par des Compagnons du Devoir du Tour de France.
LES SOINS AUX ENFANTS
Le grand air, les ressources naturelles locales sont des conditions favorables pour soigner les enfants malades dans des institutions qui décident de construire des établissements d'accueil.
La reconnaissance des vertus médicinales des eaux de Forges-les-Bains pour la guérison des enfants scrofuleux conduit à la création d’un hôpital qui ouvre en octobre 1859. Cette succursale de l’Hôpital des enfants malades de Paris a compté jusqu’à 425 lits. Le service de bains se trouvait dans un bâtiment constitué de deux salles de bains et de douze baignoires, accompagné d’une pièce d’eau de 20m sur 5m.
Dans l’hôpital on dénombrait également une piscine de 120m² avec un hangar pour abriter les enfants. En 1880, deux pavillons à un étage avec deux ailes en équerre, l’un pour les filles, l’autre pour les garçons, sont construits. Une maison de convalescence est construite en 1905, activité qui devient la vocation première de l’établissement après 1945. Le service médical quitte les lieux en 1968 pour être remplacé par un centre d’accueil de la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales pour les orphelins.
En 1882, un legs Riboutté-Vitalis permet à l’Assistance de Paris d’acquérir une propriété située en face de l’hôpital. Elle englobe d’anciens établissements de bains construits par M. Raymond pour exploiter dès 1873 les sources d’eau ferrugineuse jaillissant dans sa propriété. On y installe un orphelinat de 40 garçons de 7 à 18 ans, nécessitant des soins. Ils sont encadrés par des professeurs spécialisés et passent leur Certificat d’études, puis apprennent le métier de serrurier ou de menuisier dans des ateliers attenants. En 1892, le don Hartmann finance un autre bâtiment qui peut accueillir dix garçons supplémentaires. Les ateliers Vitalis cessent de fonctionner vers 1929-1930. Les bâtiments sont aujourd’hui détruits.
À Bullion, sur des terres appartenant à la famille du duc d’Uzès, léguées à l’Etat par Marie Georget Boursin, est construit en 1933, un preventorium-sanatorium pour les nourrissons ainsi qu’une pouponnière. On y soigne les enfants atteints de tuberculose. Géré par la préfecture de Paris, ce centre change plusieurs fois de nom mais garde toujours une vocation d'aide à l’enfance. En 1945, il devient le Centre de Protection Infantile, Centre de Pédiatrie en 1985 puis Hôpital de Pédiatrie et de Rééducation en 2006.
LA JEUNESSE EN DIFFICULTÉ PRISE EN CHARGE
La préoccupation pour la jeunesse en difficulté est une constante au cours des 19ème et 20ème siècles. Des monuments ouvrent leurs portes pour accueillir orphelins, jeunes en difficultés familiales ou sociales et des personnalités mettent en place des initiatives d’encadrement originales à la campagne.
Ainsi en est-il au château du Plessis-Mornay de Longvilliers, construit dans la deuxième moitié du 16ème siècle et restauré en 1863 par Robert de Pourtalès. À cette occasion, il aménage la ferme pour y installer un orphelinat agricole de jeunes protestants qui perdure jusqu’en 1891. Les orphelins entraient âgés de 10 à 12 ans et restaient dans l’établissement jusqu’à leurs 18 ans.
Des orphelins ont aussi été accueillis à l’Abbaye Notre-Dame-de-la-Roche située à Lévis-Saint-Nom. Cette abbaye d’Augustins fondée par Gui 1er de Lévis vers 1196, construite au 13ème siècle, ne compte plus de religieux dès le début du 16ème siècle. Elle est rachetée et restaurée en 1850 par les Lévis-Mirepoix qui acceptent de la louer, à partir de 1874, à l’abbé Augustin-Eugène Méquignon, fondateur de l’Orphelinat de l’Assomption d’Élancourt qui avait besoin de s’agrandir. Les religieuses de Saint-Vincent de Paul, responsables de l’orphelinat prennent alors en charge le domaine et le mettent en culture, en assurant ainsi l’approvisionnement. Les pupilles aident le jardinier dans sa tâche. En 1901, le site héberge jusqu’à 245 enfants. Soeur Marie-Thérèse Maunoury crée un centre d’apprentissage de l’horticulture en 1952. Aujourd’hui fermé il est remplacé par une école Montessori en septembre 2017.
Plus originale est l’initiative de l’anarchiste Sébastien Faure qui fonde, à Rambouillet, en 1905, La Ruche, une école libertaire et un espace de vie communautaire fonctionnant selon le concept de coopérative intégrale. Elle est autosuffisante et ne reçoit aucune subvention. La scolarité est gratuite et le personnel n’a pas de salaire. Les enfants socialement défavorisés et souvent orphelins, appelés les abeilles, apprennent, dans un cadre naturel, le travail manuel, la solidarité, chacun travaillant pour le bien de tous. Tous les ateliers (couture, menuiserie, imprimerie…) sont mixtes, ce qui dérange à l’époque. Tous les étés, les enfants de 10 à 15 ans partent en voyage et donnent des fêtes et spectacles sur leur passage. L’école disparaît durant l'hiver 1917 et les locaux sont détruits par la suite.
En 1925, à Auffargis, la baronne Mathilde de Rothschild fait, quant à elle, construire une maison, sur la place de la mairie, pour offrir un hébergement à des « filles mères » et à leurs nouveau-nés, sous forme d’association appelée Les Berceaux. Cette construction est décidée après qu’une servante de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay, enceinte et abandonnée, se noie dans un étang de la vallée. La baronne dirige les lieux jusqu’à sa mort en 1927. En 1942, le bâtiment est occupé par la Ligue des mères abandonnées. Puis la Préfecture confie le bâtiment à la Vie au Grand Air pour l’enfance (VGA) pour accueillir des enfants défavorisés de la région parisienne. En 1946, lorsque le baron Henri décède, le conseil d’administration des Berceaux dissout l’association et donne ses biens immeubles à la VGA. En 1981, l’association se transforme en fondation, reconnue d’utilité publique en 1982. Le bâtiment accueille encore des enfants pris en charge par les services sociaux.
Enfin, c’est au sein du domaine de Pinceloup à Sonchamp qu’une initiative, plus récente, a pris corps. Rebâti vers 1865, le château est acheté en 1897 par Eugène Thome qui y fait d’importants travaux. Avant la Seconde Guerre mondiale Madame Thome propose une sorte de patronage aux enfants de Sonchamp et de Saint-Arnoult, le jeudi pendant les vacances, pour leur offrir un lieu de rencontre et un encadrement éducatif. Ils y apprennent à cuisiner, coudre, bricoler et ramènent chez eux leurs réalisations. Ce rendez-vous s’appelait le « Patagon ».
Aujourd’hui propriété de la ville de Paris, le château accueille l’école Le Nôtre, créée en 1882, dont la vocation est depuis l’origine la formation aux métiers de l’horticulture. Construit initialement sur la commune de Villepreux, l’école a été transférée, depuis 1958, sur le site plus vaste de Sonchamp. Les jeunes, en difficulté familiale, y apprennent l’horticulture, l’hôtellerie-restauration ou les métiers du bâtiment. L’internat se trouve dans le château et les ateliers se déroulent dans les communs.