Envie de changer des légumes traditionnels ? Sortez votre caddie dans les prés ! Sur les bords des chemins, dans les sous-bois, au milieu des clairières, une plante sur dix peut être cuisinée. Mâche sauvage, petite oseille, stellaire intermédiaire ... il n’y a qu’à se baisser.
Bouillon d’échalotes perlé à l’armoise, coulis de fleurs de primevère, crème brûlée à la reine des prés, gaspacho glacé de chénopode blanc : sur les cartes des grands chefs, les créations culinaires fleurent bon le sous-bois. Leur audace ravit les papilles et séduit les guides rouge airelle ou jaune pissenlit.
En sublimant la berce, la mire odorante ou le polypode sauvage, Marc Veyrat décroche par deux fois les 3 étoiles du Guide Michelin et obtient un 20/20 au Gault et Millau (il reste à ce jour le seul au monde à avoir obtenu une telle note). De la Haute-Savoie à la Normandie, les plantes sauvages ré-enchantent les assiettes étoilées nous faisant presque oublier qu’elles ont d’abord été la base des recettes de nos ancêtres.
« Pendant quelque 3 millions d’années, écrit l’ethnobotaniste François Couplan dans son ouvrage « le régal végétal », soit plus de 99% de son existence sur terre, l’homme s’est nourri de plantes sauvages. (…) La fracture néolithique, voici dix mille ans, a coupé l’homme de ses racines. Jusque là, il s’était nourri des cadeaux que lui offrait la nature. Mais en décidant de produire lui-même ses aliments, il lui a fallu se battre contre elle – comme le sait tout jardinier qui n’a cesse de nettoyer son terrain en y arrachant constamment les mauvaises herbes, d’ailleurs souvent d’excellents légumes. »
Pour l’homme au chapeau, illustre passionné et auteur prolifique d’ouvrages sur les plantes sauvages comestibles, les végétaux offrent aujourd’hui une occasion unique de se reconnecter à la nature. « Loin d’être un acte anodin, récolter des plantes sauvages qui ont poussé sans l’intervention de l’homme et les intégrer à notre propre substance en les consommant peut avoir de profondes implications sur notre perception du monde, sur notre vie et sur les autres vies de la planète. »
Quelques chiffres
Le cynorrhodon (grattecul pour les intimes), fruit de l’églantier, contient 30 fois plus de vitamine C que le citron.
La plupart des plantes sauvages sont beaucoup plus nourrissantes que leurs homologues cultivées. 1 200 plantes ont été utilisées par nos ancêtres pour se nourrir.
Seulement 150 plantes sur les 12 000 espèces vasculaires peuvent être mortelles pour l’homme à faible ou moyenne dose (soit 1,25%).
Il y a 2 500 ans, Hippocrate affirmait déjà : « que ton aliment soit ton remède ! ».
Et dans le Parc ?
Mâche sauvage - Valerianella locusta
Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à notre mâche domestique sauf que ses feuilles sont plus longues et d’un vert plus clair. Elle se présente sous forme de rosette. On la trouve dans les zones légèrement humides : talus, bords de chemin ombragés... Elle est très courante dans le Parc. Son goût est fin et sucré. Se déguste en salade
Petite oseille - Rumex acetosella
Elle se présente en touffes et peut se confondre avec pas mal d’autres végétaux. Sauf si l’on repère que la feuille est glabre et qu’elle possède deux petits lobes au niveau de la tige. Et ça c’est plutôt unique ! Commune dans les prairies, elle aime surtout les sols siliceux. Ses feuilles sont agréablement acides. On la prépare souvent en soupe mais elle peut sublimer une omelette, un gratin ou une purée.
Stellaire intermédiaire- Stellaria média
Pour François Couplan, c’est l’une des meilleures salades sauvages. Ca tombe bien car elle est très commune sur notre territoire et on la trouve 10 mois sur 12 dans l’année. Très couvrante, elle s’étend sur le sol jusqu’à former de véritables tapis de verdure. Elle aime les terrains frais : lisières de bois, pieds de murs et jardins. On la repère grâce à ses petites fleurs blanches qui rappellent les étoiles. Tiges, feuilles et fleurs se dégustent en salade et apportent un subtil goût de noisette.)
Berce - Heracleum sphondylium
Impossible de ne pas connaître la berce identifiable entre mille grâce à ses larges feuilles découpées, ses grandes tiges anguleuses, son ombelle aplatie de fleurs blanches et ses poils drus. Elle aime les prairies fraîches ou les bords des chemins. Tout se mange chez la Berce : ses jeunes feuilles accompagnent les salades, ses pétioles se cuisinent comme des cotes de blettes, ses inflorescences se font cuire à la vapeur et se servent comme des asperges.
Pissenlit - Taraxacum officinale
Doit-on encore le présenter ? Ses feuilles sont à récolter lorsqu’elles sont encore tendres et à déguster en salade. On en trouve partout. Il y en a même peut-être dans votre jardin.
Les recettes printanières de Stéphane
Quand il n’organise pas des sorties « plantes sauvages, bons usages », Stéphane Loriot file dans les prés remplir son garde-manger. Il dévoile deux recettes aux herbes du Parc, ramassées entre Chevreuse et Saint-Rémy-lès-Chevreuse. A déguster au fond des bois un jour de printemps où le soleil commence à percer.
Soupe de petite oseille
Pour 4 personnes
1 oignon
3 pommes de terre
Deux grosses poignées de petite oseille
Une bonne poignée d’ortie
Dans un litre d’eau, plongez l’oignon et les pommes de terre coupés en petits morceaux. Faites bouillir les légumes pendant une vingtaine de minutes à couvert. Plongez l’ortie coupée en morceaux d’un centimètre pendant 5 minutes. Ajoutez l’oseille coupée en petits bouts d’un centimètre. Laissez cuire encore 10 autres minutes. Avec l’aide d’un presse-purée, écrasez le tout. Accompagnez de sel, d’une pointe de piment des oiseaux et d’une cuillerée de crème fraîche ou d’huile d’olive. Dégustez...
Salade mâche sauvage et stellaire intermédiaire
Récoltez sur les bords des chemins de belles touffes de mâche sauvage et, sur un tapis de stellaire, deux grosses poignées de la plante qui aime couvrir les sols. Lavez vos récoltes soigneusement (ça prend généralement pas mal de temps). Coupez les pieds de la mâche, ciselez la stellaire. Assaisonnez l’ensemble dans un saladier avec du vinaigre de cidre, de l’huile d’olive et une pincée de sel.
Les commandements du bon cueilleur
La plante tu n’arracheras pas. Préférez la cueillette délicate en saisissant la plante entre le pouce et l’index et en la coupant avec l’ongle. Vous pouvez aussi utiliser une paire de ciseaux ou un couteau.
Les espèces menacées tu ignoreras. La « faim » ne doit pas justifier les moyens : priorité à la biodiversité !
Les zones naturelles tu préfèreras. Ne cueillez pas vos plantes trop près des bords de route ou de champs s’ils sont traités, pas plus que sur les chemins empruntés par les chiens. Préférez les endroits à l’abri de ces pollutions.
Le tri tu effectueras. Au moment du lavage et de la préparation des plantes, examinez vos plantes pour en écarter les intrus.
Pour en savoir plus
Conseils et consignes de cueillette des plantes sauvages par Stéphane Loriot.