Pour sauver une espèce en voie d’extinction, il faut d’abord protéger son habitat naturel. C’est pourquoi cet automne, le Parc a aidé à restaurer un étang forestier où l’envasement menaçait de faire disparaître une plante rare et protégée, le Flûteau nageant.
Article de Cécile Couturier pour l'Echo du Parc n°83 (février 2020)
Cet automne, des quantités de terre, de sable et de feuilles ont été extraites d’un étang près de Clairefonfaine-en-Yvelines pour venir au secours du Luronium natans, communément appelée Flûteau nageant. Il s’agit d’une plante fragile et extrêmement rare qui pousse au bord et dans les étangs, mares et rivières. Mais comme ces milieux humides ont été fortement dégradés et modifiés par l’homme, cette plante en voie d’extinction a été protégée à l’échelle européenne.
En Île-de-France, sur 18 sites où le flûteau est encore présent, 13 sont en Forêt de Rambouillet ! « C’est un peu le dernier refuge. Il y a donc un enjeu fort dans notre Parc, souligne Olivier Marchal, chargé d'études nature environnement au PNR. « C’est aussi la mission d’un Parc naturel de conserver les espèces. Certains peuvent se demander quelle est l’utilité ou l’importance de cette plante et à quoi bon chercher à la sauver… Mais il faut plutôt se demander si en causant la disparition d’une espèce, l’homme ne provoque pas des déséquilibres dont il ne peut mesurer toutes les conséquences...» Les spécialistes du vivant ont acquis une certitude : pour être en bonne santé, la nature a besoin de diversité botanique, génétique et de conserver sa capacité d’évolution. Alors préserver cette diversité génétique, c’est à la fois un devoir, du bon sens et une assurance-vie pour la nature, dont l’homme fait partie.
La plupart des stations où le Flûteau nageant est présent se trouvent en forêt domaniale ; l’Office national des forêts y mène donc déjà des travaux réguliers pour conserver ou restaurer les milieux humides. Mais l’une de ces stations est sur un terrain privé : l’étang de Maubuisson à l’orée de Clairefontaine. Il a été classé Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) car il héberge à la fois le Flûteau nageant, et d’autres plantes protégées en France, comme la Littorelle à une fleur (Littorella uniflora) ou la Pilulaire à globule (Pilularia globulifera).
Sauvetage collectif
Or, au fil des années, le plan d’eau s’est empli de terre, de sable et de feuilles. Sa superficie et sa profondeur ont diminué, freinant le développement de nos végétaux. Un envasement qui gênait la propriétaire du site, Odile Lefebvre : elle décide donc de faire des travaux pour que l’étang retrouve son étendue et de sa superbe.
Une bonne occasion pour lancer une opération de sauvetage. Le Parc et le Conservatoire Botanique National du Bassin Parisien contactent donc Odile Lefebvre. « Nous lui avons dit qu’une espèce exceptionnelle poussait sur son étang et que, puisqu’elle prévoyait de faire des travaux, cela serait bien d’adapter l’intervention pour favoriser le flûteau, raconte Olivier Marchal. Elle nous a ouvert sa propriété et a accepté. Sans son implication, rien n’aurait été possible ! » Le Parc propose une aide financière de 7 350 euros, soit 80 % des coûts, et son expertise technique pour définir et organiser le chantier. « Pour permettre au Flûteau nageant de se maintenir sur le site puis de le recoloniser, détaille Olivier Marchal, il a fallu curer la queue de l’étang et les bordures pour retrouver une hauteur suffisante. Nous avons aussi créé de vastes plages pour favoriser les gazons amphibies, aux endroits où l’étang est asséché en été, pour que la flore puisse y pousser. Sur ce site sensible, il faut procéder avec délicatesse. Avant d’intervenir, le Parc a donc noté la localisation de chaque plant, pour n’en abîmer aucun ; lors du terrassement, il faut veiller à ne pas tasser les sols, très sensibles en zone humide. Et l’on ne touche pas aux chênes et aux cyprès sur les berges – sauf à couper quelques branches.»
Profiter de travaux programmés
Le chantier s’est déroulé en septembre dernier. Décapage des sols, retrait de 684 m³ de sédiments et végétaux qui ont été redéposés plus loin en épousant les pentes naturelles du site, création d’une mare profonde pour conserver de l’eau, même à la saison sèche... Le flûteau et ses comparses ont de beaux jours devant eux. Mais aussi le cortège de graines qui, enfouies dans le sol depuis plus d’un demi-siècle, viennent de retrouver la lumière du jour. Une nouvelle vie s’annonce au printemps !
Image
D'où vient la menace ?
Pluies acides, épandages agricoles, envasement des milieux humides et des plans d’eau, ou encore eutrophysation (enrichissement excessif de l’eau en matière organique due à une prolifération de végétaux) : ces facteurs dégradent l’habitat du flûteau nageant. Un Plan national d’action, de 2012 à 2016, a permis de faire un état des lieux précis de sa présence en France et de définir des actions ciblées. C’est aujourd’hui la seule plante d’Île-de-France classée Natura 2000 : c’est une « espèce protégée » au titre de la directive européenne habitat/faune/flore.
Des conseils sur mesure
Les techniciens du Parc accompagnent régulièrement les particuliers souhaitant intervenir sur leurs parcs ou milieux naturels : simple conseil, aide approfondie, voire soutien financier si le projet présente un enjeu environnemental important (curage, création de mare, plantation de haies, etc.).